A ceux et celles qui croient dompter la mer, à ceux et celles qui pensent dominer la ville. Au plus bel arbre, fier et tendu, à l’ascension pour grandir à tout prix au-delà et par delà.
A celles et ceux qui voient dans l’arabesque une arabesque, et disent du rouge qu’il est rouge, toujours dire oui, certes toujours, toujours un peu, mais en regardant mieux, encore, en regardant encore ?
A ceux et celles qui croient connaître le genre, l’identité, à ceux et celles qui savent la naissance et l’appartenance, encore dire oui,
peut-être, mais en portant plus haut le regard ?
A celles qui connaissent les nombres célébrissimes du bout des doigts, à ceux qui rient à gorge déployée d’avoir compris l’humour des hommes. A celles qui jouent des mots comme d’une flûte à douze becs, à ceux qui portent la voix au cœur sans passer par l’oreille, parce qu’un oiseau les habite.
A celles au regard plus clair le matin d’avoir rêvé des éblouissements et des terreurs, qui côtoient les sirènes et des êtres à trois visages et quatre sexes et les lieux, qui ne sont que mémoire, qui se meurent dans la beauté, qui chutent dans la matière.
Oui, mais plus encore ?
Car il y a le bestiaire des formes, l’inventaire des couleurs, leur brassage infini jusqu’à l’épuisement dans le brun et le trait qui ordonne sépare désordonne unit pour dire la ville pleine, organique et magique.
Et puis la virtuosité de peu de poids devant la vision intérieure. Et puis le rire. Et puis, inaltérable, la joie. La joie indécente ! Comment la dire, la joie physique et palpable d’être dans la matière à la source de l’intarissable, le vivier urbain – céleste ! -, la matrice du rêve nocturne et du plus vaste rêve diurne ?
L’intarissable joie de l’intarissable, devant la coulée des mondes possibles par la forme qui endigue la couleur qui emplit et l’inverse aussi.
Jamais le silence, pas de silence, le silence n’est pas l’hôte de Casablanca, le silence est du côté de la mort et du genre, alors qu’ici la vie et ses formes et ses couleurs s’engouffrent dans la ville, dans l’interstice de sa mémoire.
L’artiste, catalyseur, voyeur, esclave, élu, illuminé, intarissable est pourvoyeur d’images à la rencontre de leur adversité, de contrastes glorieux, où l’exultation porte le nom sobre de dessin. Car le dessin, sobre manière, sobre matière, contient tout.
A toi qui regardes avec et au-delà, toi dont le vécu se reconnait dans les lignes, anticipe le relief, augmente la profondeur, qui partages la joie, rejoins la fête sans code ni lieu ni heure, fête du regard augmenté sur le réel intarissable d’être affranchi du genre, affranchi de la topographie, affranchi de l’habit qui fait le moine, nu, le corps peint, arpentant, dansant, chantant !
A toi qui regardes avec et au-delà, toi dont le vécu se reconnait dans les lignes, anticipe le relief, augmente la profondeur, qui partages la joie, rejoins la fête sans code ni lieu ni heure, fête du regard augmenté sur le réel intarissable d’être affranchi du genre, affranchi de la topographie, affranchi de l’habit qui fait le moine, nu, le corps peint, arpentant, dansant, chantant !
Aurélia Maillard Despont